La beauté du yoga

Le texte qui suit est extrait de l'excellent livre de Rodolphe Milliat " La pédagogie des asanas" . Je le lis avec plaisir et intérêt . J'ai découvert là un livre sur le yoga qui sort brillamment du lot en nous faisant partager les richesses de son expérience. Le passage qui suit parle d'un thème qui m'est cher : le regard et son éventail de subtilités, ce qu'un corps donne à voir, la beauté du yoga.

(…) Dans un cours de yoga , beaucoup de domaines échappent au contrôle visuel du professeur, notamment le domaine mental ou le domaine émotionnel qui n'apparaissent que superficiellement dans les réactions et les attitudes corporelles. (…) Ce qui est visible peut donc être corrigé , tandis que ce qui ne l'est pas peut être suggéré . Je fais référence à l'aspect dynamique du mental, à la part de la concentration qui sont entretenus par des consignes verbales. Mais ce domaine-là n'est jamais négligé dans l'immense majorité des cours que j'ai pu visiter. Il est vrai qu'il est plus facile de parler que d'agir, surtout quand on ne rencontre pas de contradicteur. (…)

Mes tendances iconoclastes se bornent à l'accès technique et à l'aide spécifique que je puis apporter aux postures. Dans ce cas précis « la fin justifie les moyens ». Mais au juste, quelle fin vais-je précisément rechercher ?

S'agit-il de la performance sportive et « contortionistique » mesurable par degrés ?, certes non !

S'agit-il alors de quelque appréciation esthétique prétendant juger l'harmonie du corps ou la beauté gestuelle ? Encore moins !

Ces domaines-là, soyons clairs, je ne les prends pas en considération et les laisse à qui s'y intéresse.(…)

Très prosaïquement, une proportion considérable d'élèves fréquente les cours de yoga dans l'espoir de maigrir, de mieux se raffermir, mais sans trop d'efforts !

D'autres pratiquants, à la santé éclatante et à la ligne irréprochable, vantent – ou vendent- les mérites du yoga comme une nouvelle méthode californienne. Il s'agit là de rester jeune, svelte et désirable, éternellement.

D'autres encore qui sourient devant mes plaisanteries faciles, n'auraient-ils pas tendance à évaluer les enseignants de yoga sur l'harmonie gestuelle qui se dégage de leur pratique ? N'est-ce pas là aussi un processus d'esthétisation inconscient qui consiste à confondre l'apparence extérieure d'une pratique posturale avec son expérience intérieure ? (…)

Quel que soit le parti pris qu'on puisse avoir, il ne faut pas confondre l'esthétique avec la performance technique. Si un corps nous semble beau, pour des raisons qui sont la plupart du temps subjectives, il restera beau dans les postures qu'il épousera. Si un autre corps humain parvient à dégager à travers une posture une certaine grâce, et sans poser, et sans attirer l'oeil, s'il émane une harmonie de sa personne, alors il devient beau.

Si un autre encore parvient à transmettre à l'oeil qui le regarde fortuitement la puissance, l'énergie, la stabilité par une vibration perceptible, mais qui dépasse la limite corporelle, alors c'est la beauté du yoga qu'il exprime.

Il y a plusieurs façons de regarder. Le regard grossier continue d'être prisonnier des sens et des désirs. Le regard éduqué recherche une lecture technique, à partir de ce qu'il a appris. Le regard subtil s'empare instantanément de la valeur expérimentale de ce qui lui est donné de voir. (...)

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crédit photo Bali Malas