Un matin, au sein de l’équipe où je
travaille, est arrivé un faire-part envoyé par une collègue. Au recto,
la figure d’un bébé émergeant de l’aube existentielle ; au verso : «
Nous avons le bonheur de vous annoncer la venue au monde de notre petit
Gaspard, le 19 septembre 2013. Nathalie et Pierre. »
À la découverte de cette carte, bien
évidemment, comme tous mes collègues, c’est vers ce visage au regard à
peine éclos que nous avons porté toute notre attention. Chacun semblant
chercher la trace, le signe qui lui ferait affirmer que ce bout d’homme
ressemble bel et bien à ses parents ! Mais ce qui a fait écho en moi, ce
sont ces mots : « la venue au monde ».
Car venir, c’est avoir parcouru
un chemin, c’est avoir quitté un lieu, c’est recourir au monde.
Quel lieu le petit Gaspard a-t-il donc
quitté et quel chemin a-t-il emprunté pour venir au monde ? Me posant la
question, je me suis tout naturellement tourné vers les représentations
de la naissance sur les terres où j’ai vu le jour, en Afrique noire.
Pour la pensée traditionnelle africaine en effet, l’univers est divisé
en deux parties : le monde visible, qu’encercle le monde invisible. Ces
deux parties, visible/monde des mortels et invisible/monde des ancêtres,
composent le monde tout entier, tout comme la lumière et les ténèbres
composent le jour tout entier.
Il est dit que venir au monde, c’est
emprunter un sentier singulier qui mène du monde invisible au monde
visible. Car tout enfant qui naît n’est pas le produit du hasard ; il
est indubitablement l’envoyé des ancêtres. Il est leur messager, il est
leur parole. L’enfant est une parole : parole de création, de
procréation, de reproduction, de relais d’une génération à une autre.
Parole sur laquelle s’est inscrit un corps, le corps de l’humain à la
ressemblance des humains.
Il est dit aussi que l’enfant n’est pas
la simple graine biologique issue de l’union d’un spermatozoïde et d’un
ovule ; cette graine est avant tout le symbole d’une bénédiction, un
don de la providence et des ancêtres. Car l’enfant qui recourt au monde
jamais n’oublie son chemin, dit-on.
Et les parents à leur tour ne
doivent pas oublier qu’ils ne sont que les simples intermédiaires
missionnés pour accompagner dans le bonheur et l’harmonie ce corps
d’homme dans la traversée des sentiers de la vie.
Voilà pourquoi, en
Afrique noire, l’enfant n’est jamais considéré comme n’appartenant qu’à
ses seuls parents. Il est un lien, il est la richesse collective de la
communauté tout entière, qui doit veiller à sa protection et à son
éducation.
Et il est dit aussi que l’homme
lui-même est déjà un monde enfermé dans un corps. Le monde est le corps
de l’homme. Subséquemment, naître au monde, c’est ajouter un monde au
monde qui existe.
Venir au monde n’est donc pas un acte
fortuit, mais assurément une formidable aventure dans l’énigme de la
vie, au carrefour du biologique et du symbolique. Quelle belle affaire !
Alors, à nous de tendre les bras vers Gaspard et de vivre avec lui, avec à ses parents, le bonheur de son arrivée.
par
GABRIEL « MWÉNÉ » OKOUNDJI
Poète-écrivain Grand prix littéraire d'Afrique noire
J'ai trouvé le texte et les images sur le blog Phytospiritualité
La source d'origine : La Vie
Merci magique Pascale... La page sur Lee est touchante... Je vous envoie des souhaits de belle renaissance 2014.
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